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Mise en jeu de la garantie de livraison

ANIL, Habitat actualité, avril 1998


L'application de la loi du 19 décembre 1990 sur le contrat de construction de maisons individuelles fait l'objet d'un suivi régulier de la part des ADIL, qui sont fréquemment sollicitées par les maîtres d'ouvrage, mais aussi par les professionnels eux-mêmes, constructeurs et établissements de crédit, notamment.
Un nouveau bilan, validé par un groupe de travail de directeurs d'ADIL, qui s'est réuni avec l'Union Nationale des Constructeurs de Maisons Individuelles, confirme les difficultés qui avaient été déjà recensées dans le dernier bilan (cf. Habitat Actualité n° 63).


Des garanties de livraison inopérantes dans certains cas

Trois types de difficultés nouvelles sont, toutefois, signalées qui rendent inopérante la garantie de livraison dans certains cas.

Deux "garants" exercent leur activité sans l'agrément légal prévu par la loi bancaire : l'Alsacienne de Cautionnement Mutuel (ACM) et l'Association Cautionnement Européen Mutuel d'Alsace (la CEMA).Ces deux garants s'abritent derrière leur statut d'association coopérative à responsabilité limitée, régie par le droit local alsacien mosellan, pour se dispenser de l'agrément prévu par la loi bancaire du 24 janvier 1984 (art. 3). Or la commission bancaire, comme l'Institut de Droit Local de Strasbourg, indiquent, qu'à leur avis, aucune disposition du droit alsacien mosellan n'est de nature à permettre aux associations constituées en vertu de ce droit de déroger aux dispositions de la loi bancaire.
L'activité de crédit est, en tout état de cause, soumise à la loi bancaire et notamment à l'obligation d'être agréée.
La Direction du Trésor nous a indiqué que "l'ACM et la CEMA ne sont agréées, ni en tant qu'entreprises d'assurance, ni en tant qu'établissements de crédit. Dans ces conditions, il apparaît, sous réserve de l'interprétation souveraine des tribunaux, que l'ACM et la CEMA ne sont pas habilitées à délivrer des cautions à titre habituel sur le territoire français". La SIFAC (Société Internationale de Financement d'Assurance et de Caution), qui intervient comme prestataire, et parfois comme garant, n'a pas non plus d'agrément. Tant qu'elle intervient pour rapprocher un garant d'un constructeur, elle agit comme prestataire et non comme garant et n'a pas besoin d'agrément.

Certains constructeurs se prévalent d'une garantie de livraison qu'ils n'ont pas. Déjà repérées, mais de façon marginale dans le bilan de juin 1997, les attestations de garantie sans valeur, tout en restant peu fréquentes, sont signalées par une douzaine d'ADIL, qui observent quelques cas (de un à trois constructeurs) dans leur département.

Mise en liquidation judiciaire de Mutua Equipement: Plusieurs ADIL ont eu des maîtres d'ouvrage en difficulté : travaux inachevés par un constructeur garanti par Mutua Equipement. 450 chantiers en cours seraient garantis par Mutua Equipement : reste à savoir combien d'entre eux nécessiteront une mise en jeu de la garantie de livraison.
Difficiles à évaluer quantitativement, ces difficultés nouvelles sont signalées par un petit nombre d'ADIL ; si elles se multipliaient, il va sans dire que le contrat de construction de maison individuelle sur plan serait vidé de son contenu. Quelques ADIL notent, par ailleurs, une certaine mauvaise volonté des garants à mettre en oeuvre le garantie de livraison, quand bien même les conditions sont réunies.


Plus préoccupante, semble être l'accélération des contournements de la loi par l'absence de souscription de dommages ouvrage.

En effet, un groupe de travail des ADIL, qui s'est réuni avec l'UNCMI fin janvier, souligne que la fuite vers les faux contrats de maîtrise d'oeuvre pour faire l'économie de l'assurance dommages-ouvrage (pratique signalée dès les premiers bilans établis par le réseau), semble s'étendre, les constructeurs ayant eux-mêmes de plus en plus de mal à résister à la pression de la concurrence déloyale des opérateurs qui fonctionnement sans garantie. Les ADIL éprouvent des difficultés à convaincre les maîtres d'ouvrage du caractère indispensable et obligatoire de l'assurance dommages-ouvrage. Nombreux sont les futurs acquéreurs qui arrivent à l'ADIL, persuadés que celle-ci n'est pas obligatoire et qu'elle est inutile, ce sentiment étant souvent renforcé par les contacts qu'ils ont eux avec les professionnels, quels qu'ils soient, professionnels de la construction ou prêteurs. Les tarifs des primes d'assurance dommages-ouvrage ne sont pas étrangers à ce phénomène : hormis le cas où le maître d'ouvrage peut obtenir un "tarif groupe" par son constructeur, le coût de la "dommages-ouvrage" se situe entre 20.000 F et 50.000 F suivant les départements.
Lorsqu'il s'agit d'un contrat de construction avec un constructeur qui propose une assurance "groupe", l'UNCMI estime que c'est le cas dans environ 90 % des contrats de construction de maisons individuelles sur plan, la "dommages-ouvrage" coûte de 8.000 F à 12.000 F, voire 20.000 F dans certains cas.
Ce constat est aggravé par le retour, récent sur le marché, d'accédants très sociaux qui n'ont aucune marge de manoeuvre en cas de dérapage dans la réalisation du contrat et pour lesquels la garantie de livraison à prix et délai convenus, associée à l'assurance "dommages-ouvrage", est une rampe de protection essentielle. Il y a là un véritable risque de voir la loi de 1990 tomber en désuétude ; or, malgré les dysfonctionnements repérés, elle offre une réelle protection à l'accédant.

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